Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/242

Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
LE SAINT-GRAAL.

seaux, l’un vermeil, l’autre vert et l’autre blanc. » Les charpentiers hésitèrent, parce que, jusqu’alors, personne n’avait eu la hardiesse de toucher à la première de ces tiges. Mais enfin, cédant aux menaces de la dame, ils l’entamèrent de leurs cognées. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils en virent jaillir des gouttes de sang, abondantes comme si elles fussent sorties d’un bras d’homme nouvellement coupé ! Ils n’osaient continuer, mais il fallut obéir à de nouvelles injonctions de la dame. Les trois fuseaux furent portés dans la nef, et disposés comme on a vu : « Sachez, » dit la dame, « que personne ne verra ces trois fuseaux sans penser au paradis terrestre, à la naissance et à la mort d’Abel. » Comme elle disait ces mots, on apprit que les charpentiers qui avaient tranché les fuseaux étaient frappés d’aveuglement. Salomon accusa justement sa femme de leur malheur et déposa dans la nef un bref où ces lignes étaient tracées :

« Ô bon chevalier, qui dois être le dernier de ma race, si tu veux conserver paix, vertu et sagesse, garde-toi de la subtilité des femmes. Rien n’est plus à craindre que la femme. Si tu la crois, ton sens ni ta prouesse ne t’empêcheront pas d’être trompé. »

Puis, au chevet du lit et sous la couronne, il mit un autre bref exposant les vertus de la