Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
LES TROIS FUSEAUX.

que par elle était la vie perdue, et par elle devait-elle être recouvrée.

Le rameau devint un grand arbre : sa tige, ses branches, ses feuilles et son écorce furent de la blancheur de la neige tombée. La blancheur est la couleur de la chasteté. Et vous devez savoir ici qu’entre virginité et chasteté, la distance est grande. La première est un don qui appartient à toute femme qui n’a jamais subi d’assemblage charnel ; la seconde est une haute vertu propre à celles qui n’ont jamais eu le moindre désir de cet assemblage, telle qu’Ève était encore, le jour qu’elle fut chassée du Paradis et qu’elle planta le rameau en terre.

La beauté, la vigueur de l’arbre sous lequel ils aimaient à se reposer, les engagea bientôt à en détacher quelques autres rameaux qu’ils plantèrent, et qui prirent également racine. Ils en formèrent une espèce de forêt, et tous conservèrent la blancheur éclatante de celui dont ils venaient. Or, il arriva qu’un jour (c’était, dit la sainte bouche de Jésus-Christ, un vendredi), comme ils reposaient à l’ombre du premier arbre, ils entendirent une voix qui leur ordonnait de se réunir charnellement. Mais telle fut leur confusion et leur vergogne, qu’ils ne purent supporter la vue ni même la pensée d’une œuvre aussi vilaine, l’homme ici n’étant pas moins hon-