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mais bientôt il sort de cette réserve et prononce hautement sur la façon dont il faudra lire tous les textes de ces premiers temps.

Première règle : « La consonne finale ne sonne jamais que sur une voyelle initiale du mot suivant » (p. cl). Quoi ! n, r, etc., ne sont-elles pas consonnes ? Comment les rejetez-vous sur le mot suivant dans cet exemple : « Li cors s’estent, e l’arme s’en parti ? »

Deuxième règle : « Les consonnes euphoniques arment la fin des mots pour préserver la finale de l’élision ou pour prévenir l’hiatus. Les copistes étaient fort inexacts à les noter ; tantôt les mettant où il ne faut point, tantôt les omettant où elles sont indispensables. Il ne faut donc pas s’en rapporter au témoignage des yeux, c’est à l’oreille à guider la langue (ibid.). »

Voilà des armes qui restaient bien souvent dans le fourreau ; mais cela redouble notre embarras. Ou l’on ne doit pas tenir compte du texte du Roncevaux, ou l’on ne peut établir de règles fixes avec un aussi détestable guide. « L’oreille, dites-vous, redressera le jugement des yeux ? » Mais qui me garantira la justesse de vos oreilles, et qui me prouvera leur droit de décliner la compétence d’un vieux et unique copiste ?

M. Génin tantôt corrige et tantôt respecte les endroits où le copiste lui paraît mal représenter la prononciation. Il a vu dans un vers guastede et crusiede, pour gastée et crusiée ; il en conclut que, dans tous les vers où la voyelle é est redoublée pour exprimer la flexion féminine, il faudra prononcer ede. Mais cette forme du participe ede, particulière au provençal et au dialecte anglo-français, s’appliquait à un nombre de cas fort restreint. Et si, non content de recommander au lecteur cette correction, vous osez la faire vous-même et introduire une foule de lettres de contrebande dans le corps du mot, vos libertés m’ôtent toute espèce de confiance ; et par cela seul qu’après vous être fait des règles de prononciation peu solides, vous mutilez le texte au gré de cette théorie, je jette votre livre, et je retourne au modèle dont vous auriez bien fait de ne pas vous écarter, pour suivre le tintement de vos oreilles.

Troisième règle : « Quand vous rencontrez j’ois, tu ois, il oit, nous ouons, vous oez, ils oent, ne craignez pas de faire reparaître le d étymologique : nous odons, vous odez, ils odent. »

Gardons-nous, au contraire, de ces corrections. Le verbe oïr n’était guère usité qu’à la seconde et à la troisième personne. On disait oez ou oiez, il , ils oïrent. La Chanson de Roncevaux,