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fabrique la chronique qu’il faisait ainsi recommander par une de ses créatures.

Pour opérer tout ce remue-ménage historique, M. Génin s’appuie du témoignage de Bayle et d’Oihenart, qui ont effectivement réimprimé la lettre de recommandation. Mais il ne dit pas tout. Remontez aux deux autorités alléguées : vous y verrez que la lettre y porte la suscription du prieur du Vigeois et la date de 1192. Quel secours pouvait donc trouver M. Génin dans ces fameux critiques ?

Ce n’est pas dans Bayle ni dans Oihenart que M. Génin a cherché l’appui de ses rêveries ; c’est dans l’innocente étourderie de M. Ciampi, récent éditeur de la Chronique de Turpin (Firenze, 1822), lequel a transformé le prieur du Vigeois, Vosiensis, en prieur de Vienne, Viennensis, et la fin du douzième siècle en fin du onzième siècle. Ajoutons encore, pour la décharge de M. Génin, que Ciampi s’était avant lui fondé sur l’autorité chimérique d’Oihenart et de Bayle, et que d’autres critiques, sans prétendre tirer aucune conséquence de l’assertion de Ciampi, avaient, depuis, répété cette méprise ; mais, quand on voulait trouver dans le rapprochement de l’archevêque et du religieux de Vienne, la preuve de la complicité du second dans la fraude chimérique du premier, il convenait de recourir aux véritables sources de l’assertion de Ciampi, et de n’y pas renvoyer les autres sans y avoir puisé soi-même.

Maintenant que voilà Calixte II bien disculpé d’avoir écrit en 1090 un livre composé longtemps après sa mort, nous pouvons passer rapidement sur les allégations fausses et calomnieuses exhumées par M. Génin contre cet illustre pontife. Tous les critiques, en effet, s’accordent à reconnaître, contre le méprisable auteur protestant du Fasciculus temporum, qu’il n’a jamais recommandé le livre de Turpin. Si Calixte avait parlé dans le concile de Reims du tombeau érigé dans Vienne au faux Turpin, le clergé de Reims lui aurait montré les actes du vrai Turpin et la belle épitaphe inscrite sur sa tombe par l’archevêque Hincmar, au milieu de la cathédrale. Nous avons les actes de ce concile de 822, dernièrement publiés avec la dernière exactitude par Mgr le cardinal Gousset ; il va sans dire qu’on n’y trouve rien de pareil. Calixte, d’ailleurs, n’a pas laissé un seul sermon ; il n’a pas fait la relation des Miracles de saint Jacques ; et, pour apprécier la valeur de ces fausses attributions, il suffisait de lire les ar-