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Ce n’est pas un cheval, mais tous les chevaux de l’armée auxquels il faudrait accorder cette place réservée. Mais j’avoue que leur héroïsme ne me paraît pas digne d’une aussi magnifique récompense :

N’i ad cheval qui puisse estre en estant.
Qui l’erbe veut il la prent en gisant. (Ch. IV, v. 126.)


Ce que l’on rend par ces beaux vers blancs :

N’y a cheval qui puisse se tenir debout.
Celui qui a faim d’herbe, il la prend estendu.

M. Génin reproduit ensuite, mais sans alléguer M. Francisque Michel, toutes les citations rassemblées par ce dernier pour justifier la légende de Roland. Il aurait pu joindre à ces témoignages un endroit extrêmement curieux des Gesta Dagoberti regis, dans lequel la défaite de douze ducs dans les gorges de la Soule, près de Roncevaux, est racontée par un écrivain qui certainement vivait avant Charlemagne. Mais, au lieu de traiter ces questions, M. Génin aime mieux s’en prendre aux fautes de costume et de vraisemblance du poëme de Roncevaux, pour les transformer en autant de beautés miraculeuses. Ainsi, la mort de Roland était le crime des Gascons ; Théroulde a bien fait de l’attribuer aux Sarrasins. Charlemagne, en 778, avait trente-six ans et ne songeait guère à l’empire ; Théroulde a bien fait de lui donner un siècle d’âge et la couronne impériale. Enfin, la commune tradition s’accordait à faire de Guenes, ou Ganelon, un grand seigneur haut de paroles et de cœur, beau de visage et prudent de conseil, le beau-frère de l’empereur, le beau-père de Roland, le chef d’une famille nombreuse et redoutable ; M. Génin va s’en prendre à la mémoire d’un honnête archevêque de Sens, pour en faire le type de Ganelon. Ce bon prélat, nommé Wenilo, avait été longtemps aimé du roi Charles le Chauve, puis accusé, puis réconcilié ; mort dans son lit, on l’avait honorablement enterré dans un monastère. Il n’y avait pas la plus légère allusion, dans tout le poëme, à la scélératesse d’un membre du clergé ; cet archevêque Wenilo était passé, pour ainsi dire, inaperçu de ses contemporains ; s’il avait un instant quitté le parti de Charles le Chauve, il s’était empressé de revenir à ses premières affections. Mais qu’importe ? M. Génin n’en sera pas moins ravi d’un rapprochement, dont les érudits précédents lui avaient laissé de grand cœur tout