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Athalie. Voilà tout ce que l’ouvrage demande à l’art du décorateur.

Mais supposons Athalie un Mystère, et que le sujet ait été traité par Arnoul Gresban ou Jean Michel ; le récit commencera au massacre des prophètes ordonné par Achab, père d’Athalie ; de là nous assisterons à la mort du tyran et de Jézabel ; Athalie sera proclamée reine sur les places publiques de Jérusalem ; elle assistera aux fêtes de Baal, tandis que le grand-prêtre offrira des sacrifices au Très-Haut. Abner gagnera des batailles, et Josabeth s’occupera de l’éducation du petit Joas. Tout sera en action, rien en récit ; tandis qu’on chantera des psaumes d’un côté, de l’autre on célébrera les louanges de la Vénus phénicienne. Nous serons introduits dans les deux temples, dans les deux palais ; nous parcourrons les rues de Jérusalem, les provinces de la Judée. Et pour tout cela, il faudra sans doute une autre mise en scène que pour la tragédie de Racine. Voici donc comme on y pourvoyait.

Le théâtre s’étendait dans une longueur de cent pieds environ, souvent plus et quelquefois moins. Il s’élevait en face des loges et du parterre, dont il était séparé par une barrière qu’on appelait le creneau. Le premier plan de la scène touchait d’un côté au creneau, de l’autre aux mansions ou constructions : c’était la galerie, le solier ou premier étage du Théâtre. Sous elle était la caverne de l’Enfer, fermée par un grand rideau qui représentait une tête hideuse, qu’on voit quelquefois désignée sous le nom de chappe d’Hellequin. Ce rideau tantôt s’entr’ouvrait à l’aide de cordages, tantôt s’ouvrait largement ; les démons en sortaient par la gueule béante ou par les yeux, et de là sautaient aisément sur la Galerie qui représentait la terre.

Dans les Mystères, cette galerie avancée réunit le plus souvent les personnages du Jeu. Le reste de l’action se passe au second plan, dans un appartement ouvert, comme sur le théâtre moderne ; ou dans un temple, un jardin, la campagne. Deux villes, deux pays peuvent être même disposés aux deux extrémités de la scène. Mais alors ils sont séparés par une sorte de loge fermée intermédiaire. Dans le Mystère de la Passion, par exemple, ou bien l’on opérait un changement total de décoration (comme je l’ai conjecturé, dans un de nos entretiens précédents), ou bien Nazareth côtoyait Bethléem, et dans une autre journée, Béthanie côtoyait Jérusalem. En quittant l’une des deux villes pour se rendre dans l’autre, les personnages abordaient cette loge et disparaissaient aux yeux du public jusqu’au moment où l’on avait besoin de les voir arriver dans l’autre ville. Mais, hors ces cas-là, les acteurs allaient d’une maison à l’autre en suivant la galerie d’avant-scène, et le public ne les perdait pas de vue.