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scène de celui qui l’avaient précédé. Or, les drames de Shakspeare, l’Hamlet, l’Othello ne se jouaient pas dans des loges superposées l’une à l’autre : le lendemain ou la veille du jour où l’on annonçait la représentation de Roméo et Juliette, ou du Songe d’une nuit d’été, on avait joué sur les mêmes planches et l’on allait jouer encore le triomphant Mystère de l’Ancien-Testament ou celui des Machabées. Il faut conclure de tout cela que la mise en scène a sans doute fait de grands progrès depuis Arnoul Gresban ; mais qu’enfin il y avait une certaine et fondamentale analogie entre la disposition du théâtre de Gresban et de Shakspeare, et celle du théâtre de Racine et de Casimir Delavigne. Passons en revue les rapports et les différences.

Quant aux différences, elles tenaient surtout à l’opposition de la théorie dramatique. Aujourd’hui la Tragédie est le tableau d’un seul événement emprunté à la vie d’un seul personnage, et ce tableau doit, à la rigueur, se renfermer dans l’espace d’une seule journée de vingt-quatre heures. Pour rendre l’œuvre irréprochable, l’auteur ne doit pas laisser perdre de vue le héros principal, et il doit rapporter tous les incidents à la trame qu’il s’est chargé de nouer et de dénouer. Le Mystère se propose tout autre chose. Il représente une vie souvent très-longue, et dans cette vie plusieurs grands événements distincts. Il ne promet pas une création nouvelle de personnages et d’actions ; le sujet de ses tableaux est connu de tout le monde à l’avance, et c’est parce qu’on le connaît qu’on s’intéresse à la façon dont il saura le mettre en œuvre. À proprement parler, le Mystère est l’Histoire même, par personnages, et l’auteur n’a que la disposition du dialogue et de tous les fils intermédiaires que l’historien n’a pas indiqués, mais dont il a pu supposer ou du moins accepter le secours. Et que conclure de là ? que la Tragédie n’exige pas une grande variété de décorations ; qu’une salle, un jardin ou les abords d’un palais pourront lui suffire mais qu’il n’en sera pas de même, soit du Mystère, soit du drame de Shakspeare. Prenons l’exemple du chef-d’œuvre de la scène française moderne, Athalie. Il n’est besoin pour sa représentation d’aucun changement de décoration à proprement parler, il n’y a qu’une scène, et cela est si vrai, que le premier vers du cinquième acte complète la rime du dernier vers du quatrième. L’action se noue dans un vestibule de l’appartement du grand-prêtre ; là, viennent agir et surtout parler, tour à tour ou les uns avec les autres, le grand prêtre Abner, Mathan, Joas, Josabeth, Athalie. Vers la fin, un rideau, dont le spectateur reçoit la confidence, dissimule le petit Joas, puis le révèle à la furieuse