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et répandent les fleurs et les rameaux sous les pas du Sauveur du monde. Ces tableaux sont indiqués dans les notes marginales du Mystère, imprimé ou manuscrit. Si donc on peut affirmer quelque chose, en présence de toutes ces exigences, c’est que la théorie des frères Parfait est parfaitement insoutenable.

J’ai dit que l’on avait été trompé par des citations de textes malentendus. Dans ces textes, on parle d’échafauds à triple étage, élevés pour contenir les spectateurs ; et l’on a cru qu’on les destinait aux exigences de la mise en scène : c’est ainsi qu’un premier et remarquable rapport entre le théâtre moderne et celui de nos pères est devenu l’occasion d’établir entre eux un véritable contraste, et de transporter, comme on dirait aujourd’hui, la scène à la place des loges et les loges à la place de la scène. On me permettra d’exposer une théorie tout à fait différente.

Pour les Jeux dramatiques, le plus souvent exécutés dans des constructions expressément élevées à cette fin, il y avait des échafauds disposés pour les spectateurs, et ces échafauds étaient souvent à plusieurs étages ; dans tous les cas, ils formaient au moins deux compartiments distincts : le plain-pied ou parterre ; les galeries, stalles ou loges, destinées aux personnes les plus honorées ou les plus riches[1]. Rien ne nous empêche même de croire à une certaine analogie de disposition entre ces étages et ce parterre, et notre parterre et nos galeries d’aujourd’hui ; surtout une fois que les Confrères de la Passion furent à Paris entrés en possession de leur Hôtel de la Trinité.

Voilà pour les Spectateurs : quant à la Scène, on doit d’abord aborder une difficulté sérieuse. Si les Mystères réclamaient une disposition entièrement contraire à celle du théâtre moderne, comment ne sait-on pas le moment où le changement s’est opéré ? Les Jeux du Nouveau et de l’Ancien-Testament ne se jouaient pas seuls ; ils étaient escortés de pièces empruntées à l’histoire ancienne comme le siège de Thèbes et de Troie ; à l’histoire moderne comme la vie de saint Louis ou de Jeanne-d’Arc : ajoutons les farces, sotties et moralités, au premier rang desquelles brille Maître Patelin. Ce n’est pas tout : Shakspeare était, en Angleterre, contemporain des Joueurs de Mystères, et son théâtre avait assurément les dispositions, la mise en

  1. « Messieurs les eschevins d’Amiens ont délibéré que au jour que on fera l’histoire du Mistere de la Passion de N. S. ès festes de Pentecoste prochain, ils auront un hours (ou étage) pour voir le Mistere (Délibération du 8 mai 1435.) »