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tre les rapides écumants et la falaise qui maintenant s’étire à une centaine de pieds taillée dans la glaise. Cà et là l’eau a fait son œuvre. Aussi loin que l’œil se porte, il n’aperçoit que des côtes profondément labourées, des sillons, des gorges, des talus qui surplombent de gigantesques dégringolades de bouleaux et épinettes dont les troncs branchus et enchevêtrés obstruent la rivière, barrent les rapides, mais luttent en vain contre la fureur du courant qui bientôt les emportera à leur tour pour servir d’aliment aux rivages de la Baie-James.

Rapides & Portages.

Voilà la physionomie de cette région jusqu’au portage des Loutres. La rivière s’est creusé un lit profond et large à travers la plaine de glaise, qui domine à cent pieds au-dessus, vaste, unie et couverte de superbes forêts. Nous voici à Clay Falls où nous faisons collection de curieux fossiles. Plus loin le Sextan avec sa mine de fer et ses côtes impraticables où deux fois nous sommes à deux doigts d’être précipités dans l’abîme, canot en tête et bagage au cou. La rivière devient de plus en plus furieuse. Quelque nuage crevé sur la hauteur-des-terres a fait monter le niveau de cinq pieds en un jour. Tous les chemins sont noyés, les arbres arrachés flottant à la dérive, obstruent les seuls chenaux navigables. C’est un vrai chaos… le diable déchainé qui descend à la mer !… Oh ! c’est qu’elle a des colères cette Abbittibi !

Enfin nous voilà sur le plateau des Loutres à 196 pieds au-dessus de la mer. Respirons un peu. Cela va assez bien avec la plume, Monsieur le Ministre, mais je vous assure que pour arriver là en canot, il en a fallu des coups d’aviron, des tiraillements après les branches du rivage (espèce de manœuvre pour laquelle les sauvages ont fait un verbe spécial « wikwakn-ahe »