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gence et de sensibilité, une sorte d’ironisme pratique qui consiste à ériger l’ironie en méthode de vie, à porter l’ironie dans la vie courante et dans ses rapports avec les hommes. Un écrivain belge, M. Léon Wéry, définit ainsi l’ironie comme méthode de vie : « La vie en ironie accentue et parfait l’esthétisme de l’ironie latente. Elle réalise une vivante œuvre d’art. Elle joue, non plus avec des pensées pures, mais avec les chairs et les os qui donnent un corps aux pensées. L’ironiste devient un dramaturge de la vie même[1]. » Mais, suivant nous, l’ironie ainsi entendue se confond plutôt avec ce cynisme dont Julien Sorel reste le type. L’ironie est essentiellement une attitude contemplative ; elle recouvre un fond philosophique : le pessimisme. Hamlet en reste le type.

Il resterait à apprécier l’ironie et à indiquer son rôle possible dans la phase intellectuelle et morale que nous traversons. Les avis sont naturellement très partagés. Les intelligences vives, nuancées, multilatérales, sont enclines à regarder le simplisme de l’esprit comme une infériorité intellectuelle et reconnaissent à l’ironie une haute valeur intellectuelle et esthétique. On connaît la page éloquente que Proudhon consacre à l’ironie à la fin de ses Confessions d’un révolutionnaire : « La liberté, comme la raison, n’existe et ne se manifeste que par le dédain incessant de ses

  1. Léon Wéry, De l’ironie (le Thyrse, août 1904).