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chez les jésuites

nouveau : c’est une rareté pour votre psychologie ; figurez-vous qu’il se relève tout à l’heure et met une chemise devant le treillis, prétendant que cela le gêne pour dormir, qu’on le voit. »

Marchant doucement côte à côte, les deux jésuites arrivèrent vers l’alcove de Samas. Le Père se pencha pour mieux voir les blonds cheveux répandus sur l’oreiller, la claire poitrine un peu dénudée : il serrait dans ses belles mains fermées et jointes le billet d’Agûr.

Un attendrissement s’empara des deux prêtres : l’oscillation des veilleuses du plafond agitait de douces lueurs et de mouvantes pénombres sur l’androgyne.

— « Dirait-on pas un ange ? » fit le surveillant.

Puis, après un silence :

— « Je ferai bonne garde autour de celui-là, et je jure bien que tant qu’il sera dans ma division il n’apprendra pas le mal ! »

— « Avez-vous songé, » dit l’humaniste, « au mal qu’il inspirera ? »

Le surveillant hocha la tête.

— « Le grand Pan aux échos de ce collège fait entendre sa syrinx, les fleurs sont des inciteuses de mollesse, ce sont de belles choses cependant. »

— « Chut, » fit l’humaniste ; « ses lèvres ont bougé, » et il appliqua son visage au treillis.

Samas resserra l’étreinte de ses mains sur le précieux papier où une âme s’était abdiquée toute, et sou-