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chez les jésuites

bellion d’où sortait l’enfant ; mais du défi puissant de ce regard jeune, si sûr de rayonnement vainqueur.

— « Je vais vous le prendre, Samas, ce papier. »

Samas sourit et passa sa langue sur ses lèvres paisibles pour en raviver l’éciat.

Alors le jésuite, nerveusement, saisitle frêle poignet blanc et veiné de l’élève et le retint sans oser le serrer.

D’une voix haute, qui retentit jusqu’au réfectoire, d’une voix cinglante, Samas cria :

— « Vous me caressez ; c’est impur. »

L’ironie, le jésuite la reçut si droit au cœur qu’il balbutia stupéfait : à cet instant, quelqu’un se dressa près de lui, qui avait bondi du réfectoire.

— « Agûr ! » fit le régent.

— « C’est vous ? » dit Samas.

Le nouveau venu haletait et de son élan et de stupeur : sanguin, nerveux, au teint violent, à l’œil noir, très mâle en ses dix-sept ans, il soulignait par sa seule présence la féminité de Samas.

Un indicible embarras enveloppait le groupe des trois personnages : chacun avait dépassé la logique de son caractère ; chacun compromis s’effarait de l’accélération imprévue que cette scène amenait dans une indécise attraction.

L’enfant comprit que son exclamation avait arraché Agûr à toute prudence ; le jésuite s’inquiéta de cet éclat de passion qu’il avait provoqué : Quant à Agûr, son premier retour à la situation se formula par un mouvement de menace vers le régent.