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l’androgyne

quoi eût-il frayé sans appréhension avec les grands et redoutait-il les moyens ?

Il avait trop peu vécu pour s’expliquer que le développement sentimental des hautes classes l’admirait ; tandis que les plus jeunes ne voyaient en lui qu’un garçon ayant l’air d’une fille.

D’une sollicitude intelligente, le surveillant rabroua les questionneurs, envoya jouer les indiscrets, adoucissant à Samas ces premières heures de collège, si cruelles dans les lycées.

La récréation finie, à l’étude, le P. Curlet hésita à placer le nouveau, puis fit céder une place du premier banc, intéressé par cet enfant qui semblait un prince au milieu d’inférieurs.

Samas sortit une mignonne trousse et se lima les ongles, au grand scandale des condisciples.

Le surveillant alla prendre la copie d’un quatrième l’’apporta au nouveau, avec un dictionnaire, une plume et un cahier. Samas, dès lors, penché sur son pupitre, parut un bel exemple d’application.

À la sonnerie de fin d’étude, quand on prit les copies, Samas avait devant lui des croquis fantaisistes d’anges endormis sur les bureaux et, plus soigneusement exécuté, son propre portrait avec un nimbe.

Le P. Curlet fut si étonné qu’il ne dit rien, et on se mit en rang pour la chapelle.

Lentement, à travers les longs corridors, sur deux files, le collège entier s’égrenait. Soudain, surgissant d’une porte, un grand glissa à Samas un papier plié.