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l’androgyne

ce beau jaune clair, teint d’or des solariens, n’éteignait pas la fermeté des traits. Le front un peu haut s’accentuait par la ligne du nez presque mince ; les lèvres vives de ton et étroites souriaient gravement et le menton s’arrondissait de ténacité. Tous ces signes de résolution et d’abstrait dépendaient du jeu des paupières lourdes et ciliées à faire ombre sur la joue pleine et ronde des angelots de fresque.

C’eût été le plus joli des pages, sans un caractère de pensée précoce ; c’eût été le plus probable des prodiges sans ce charme de volupté féminine.

On sentait que le merveilleux élève ne s’ignorait pas ; le soin extrême dont témoignaient ses mains et la sereine coquetterie de ses poses inquiétaient comme une éblouissante anomalie. Il se leva à l’arrivée du préfet.

« Mon enfant, » lui dit le jésuite en lui prenant paternellement l’épaule, « votre père a rendu de bons et loyaux services à notre mère la sainte Église ; aussi serez-vous traité exceptionnellement. Rendez-vous digne par votre conduite de ces égards que je vous promets déjà… et… gardez-vous des amitiés particulières… elles sont funestes en un âge où le discernement est imparfait… j’entends par amitiés particulières ce goût exagéré d’un élève pour un autre qui perd du temps et préoccupe sans profit… Comme vous ne ressemblez pas aux autres, vous étonnerez, et plusieurs chercheront à vous accaparer à la promenade, dans les cours ; soyez plus indépendant et plus curieux. La