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DE LA DEUXIEME VERTU

Ils trottent devî^it vous comme des petits chiens. Ils avancent, ils reculent. Ils vont, ils viennent. Ils s'amusent. Ils sautent.

Ils font vingt fois le trajet.

C'est qu'en effet ils ne vont pas quelque part.

Ça ne les intéresse pas d'aller quelque part.

Ils ne vont nulle part.

Ce sont les grandes personnes qui vont quelque part

Les grandes personnes, la Foi, la Charité.

Ce sont les parents qui vont quelque part.

A la messe, aux vêpres, au salut.

A la rivière, à la forêt.

Aux champs, au bois, au travail.

Qui s'efforcent, qui se travaillent pour aller quelque part

Ou même qui vont se promener quelque part.

Mais les enfants ce qui les intéresse ce n'est que de faire le chemin.

D'aller et de venir et de sauter. D'user le chemin avec leurs jambes.

De n'en avoir jamais assez. Et de sentir pousser leurs jambes.

Ils boivent le chemin. Ils ont soif du chemin. Ils n'en ont jamais assez.

Ils sont plus forts que le chemin. Ils sont plus forts que la fatigue.

Ils n'en ont jamais assez (Ainsi est l'espérance) Ils cou- rent plus vite que le chemin.

Ils ne vont pas, ils ne courent pas pour arriver. Ils arrivent pour courir. Ils arrivent pour aller. Ainsi est l'espérance. Ils ne ménagent pas leurs pas. L'idée ne leur viendrait même pas

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