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DE LA DEUXIEME VERTU

Comme un bon cheval de labour, comme une bête loyale et vigoureuse, comme une grosse bête lorraine qui tire la charrue.

De sa vigueur et de sa force il ne faut pas seulement qu'elle se meuve elle-même, qu'elle se tire, qu'elle se traîne elle-même.

Qu'elle se porte sur ses quatre pieds.

Mais de cette même vigueur et force il faut aussi qu'elle meuve et qu'elle tire et qu'elle traîne l'inerte charrue.

Inerte sans elle, qui ne peut pas se mouvoir toute seule, se tirer, se traîner toute seule,

Se mouvoir, se traîner, se tirer sans elle.

Inerte sans elle mais laborieuse avec elle, travailleuse par elle, agissante par elle.

Cette charrue qui derrière elle laboure la terre lorraine.

(Mais qui la laboure à une condition, c'est qu'on la tire).

Comme le cheval de labour, la bonne bête doit non seu- lement se porter et se mouvoir elle-même.

Sur ses quatre jambes, sur ses quatre pieds,

Mais ensemble traîner cette charrue qui, ainsi animée, derrière elle laboure la terre.

Ainsi l'âme, cette bête de labour, et d'un labour ter- restre,

D'un labour charnel.

Non seulement l'âme doit se mouvoir et se porter sur les quatre vertus.

Se tirer et se traîner elle-même.

Mais il faut qu'elle meuve et qu'elle porte.

Encore il faut qu'elle tire et qu'elle traîne

Ce corps enfoncé dans la terre qui laboure derrière elle la glèbe de la terre.


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