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Assurément, ce qui se passa entre Dieu et saint François sur le mont Alvernia ne pouvait pas se traduire dans le langage des hommes. Mais quand le saint, descendant de ce nouveau Sinaï, laissait éclater ses transports dans un chant lyrique, il ne faut pas s’étonner d’y revoir le tour habituel de son esprit et les riches couleurs de son imagination. On reconnaît l’aventureux jeune homme d’Assise, celui qui renonça au service de Gauthier de Brienne pour devenir le chevalier errant de l’amour divin : on le reconnaît bien quand il représente son extase comme un assaut d’armes, et ses élans vers le ciel comme une chevauchée sur la terre du Christ. Saint Bernardin de Sienne cite un dernier cantique bien plus considérable, et composé de trois cent soixante-deux vers, mais qui se divise en strophes de dix vers chacune, avec des rimes industrieusemént combinées. Ce sont déjà les indices d’une origine plus moderne, et je trouve, en effet, le même poëme attribué au bienheureux Jacopone de Todi, mort en 1506, au moment où la poésie italienne, échauffée au soleil du treizième siècle, avait déjà des fruits mûrs. D’ailleurs, je ne remarque plus ici la brièveté et la simplicité qui font le cachet des oeuvres de sàint François. Seulement, pour concilier toutes les traditions, on peut admettre que le bienheureux pénitent de Todi paraphrasa, avec son abondance naturelle et avec la subtilité de son temps, une pensée simple et grande qu’il em-