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ché , dans un langage qui émeuve et qui ravisse. L’amour est inquiet rien ne le satisfait ; mais aussi rien ne lui coûte. Il ajoute à la parole, il lui donne l’essor poétique, il lui prête le rhythme et le chant, comme deux ailes. Saint François voyait la poésie honorée par l’Église, qui lui donne la première place dans son culte, dans le chœur même de ses basiliques et au pied de l’autel, tandis que l’éloquence reste dans la chaire, plus près de la porte et de la foule. Lui-même éprouvait l’impuissance de la parole ordinaire pour rendre tout ce qui remuait son âme. Quand le nom du Sauveur Jésus venait sur ses lèvres, il ne pouvait passer outre, et sa voix s’altérait, selon l’admirable expression de saint Bonaventure, comme s’il eût entendu une mélodie intérieure dont il aurait voulu ressaisir les notes. Il fallait cependant que cette mélodie dont il était poursuivi finît par éclater dans un chant nouveau, et voici en effet ce que rapportent les historiens En la dix-huitième année de sa pénitence, le serviteur de Dieu, ayant passé quarante nuits dans les veilles, eut une extase, à la suite de laquelle il ordonna à Frère Léonard de prendre une plume et d’écrire. Alors il entonna le Cantique du Soleil : Et, après qu’il l’eut improvisé, il chargea le Frère Pacifique, qui dans le siècle avait été poëte, de réduire les paroles à un rhythme plus exact, et il ordonna que les Frères les apprissent par cœur pour les ré-