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des Christs, des Vierges et des Saintes Familles. L’art, au contraire, ne veut donner ses peines qu’à une matière qui les vaille. Il la lui faut durable, éprouvée, ancienne par conséquent. Comme il prend le marbre dans le rocher aussi vieux que la terre, il choisit le texte de l’épopée dans les plus vieilles traditions des peuples ; et, s’il en est quelqu’une qui remonte aux premiers jours du monde, c’est celle qu’il préfère, puisqu’elle tient davantage de l’Éternité.

Que reste-t-il donc au génie, et par où sort-il de la foule ? Il y touche par l’emprunt du sujet, qui appartient à tout le monde il en sort par le travail, qui est à lui, et par l’inspiration, qu’il tient de Dieu. Cette pierre où s’asseyait le pâtre, où broutaient les chèvres, a laquelle le voyageur ne prenait pas garde, Michel-Ange la façonne et la taille, le ciseau en fait peu à peu sortir une forme divine ; elle s’anime, elle rayonne, on la met dans un sanctuaire, et les pèlerins viendront déposer leur bâton et prier devant elle. Voici des récits fabuleux qui ont circulé durant toute l’antiquité, et auxquels les enfants mêmes finissaient par ne plus croire : voici des légendes pieusement contées dans les cloîtres, aimées du peuple, versifiées sans trop de respect par les trouvères de Normandie. Les grands et les lettrés ne font plus guère qu’en sourire. Mais il y a en Italie un homme venu au moment qu’il fallait, dont l’âme a été de bonne heure façonnée