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beaux génies. Il y reconnaît Lucain, Horace, Ovide, comme de vieux amis. Stace lui apparaîtra plus tard en purgatoire, mis au nombre des élus, selon une tradition de cette école du moyen âge qui sauvait le plus qu’elle pouvait des morts illustres qu’elle avait admirés. Virgile enfin remplit tout le poëme. D’un autre côté, nous savons qu’après la mort de Béatrix, l’inconsolable Dante avait cherché quelque distraction dans la lecture de Cicéron[1]. De même que le sixième livre de l’Énéide lui ouvrait la route de la descente aux enfers, il trouvait dans le Songe de Scipion une première ébauche de la vision du ciel. L’exemple de ses contemporains l’encourageait à ne pas négliger ces sources. Les visions des légendaires trahissaient plus d’une fois le souvenir des fables antiques. On y revoyait les fleuves infernaux, le nom même de l’Achéron s’était conservé et Tundale, au fond de la vallée ténébreuse, avait reconnu les forges de Vulcain. D’un autre côté, les livres de l’orateur romain étaient interprétés dans toutes les universités italiennes. Les savants commentaient la descente d’Énée aux enfers, et Bernard de Chartres en expliquait le sens philosophique par la descente de l’âme dans le corps, où elle est tourmentée par les passions, plongée dans la nuit des sens[2]. L’imagination des hommes ne

  1. Convito, II, 13.
  2. Bernard de Chartres, fragment publié par M. Cousin, à la suite d’Abailard, p. 642 : Et quia profundius philosophicam veri-