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gile[1]. Virgile, en effet, est le plus aimé de ces noms que le moyen âge ne laisse pas périr. Une profonde connaissance, un religieux respect des traditions, l’avaient fait considérer comme le plus savant interprète de la théologie romaine. Servius en est dans l’admiration ; Macrobe voudrait faire du poëte le souverain pontife et le sauveur du paganisme expirant. Mais ses étranges pressentiments de l’avenir, ce renouvellement des choses humaines qu’il chante, la tendresse et la mélancolie que laisse voir sa grande âme, l’avaient de bonne heure signalé aux chrétiens comme un des leurs. Dès le temps d’Eusèbe, les rhéteurs et les grammairiens convertis cherchent à le mettre de leur côté. L’inspiration supposée de sa quatrième églogue lui prêtait un caractère sacré qui le sauva du désastre où périrent tant d’écrivains fameux, comme Varius et Varron. Les Bucoliques, les Géorgiques, l’Énéide, protégées par la piété publique, traversèrent l’époque des invasions sans qu’il s’en fût égaré un seul vers. De là cette légende de Virgile répandue par toute l’Italie le peuple en faisait un magicien, pendant que les savants en faisaient un prophète ;

  1. On voit déjà la trace de l’antiquité. Virgile, Tite Live, dans les légendes écrites par Jonas, moine de Bobbio, au septième siècle. -Mabillon, Acta SS. Ord. S. Benedicti .- Vies de SS Taso, Tato et Paldo, par Ambroise Autpert. Le récit en prose est coupé par des couplets de trois hexamètres. -Luitprand. Rerum gestarum ab Europae imperatoribus et regibus libri VI. –Hroswitha, Préface de ses comédies sacrées. - Tiraboschi, Charlemagne à Otton III.