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discerner ensuite la légende politique, plus ancienne, qui met des leçons sous des images, et qui use de l’enfer, du purgatoire et du ciel, comme d’autant de prosopopées légitimes, pour effrayer les rois et les peuples. Je ne m’en dissimule pas l’abus, et ce qu’il y avait de dangereux dans ce pouvoir-du visionnaire qui damnait ses ennemis. Mais l’Eglise ne consacra jamais l’autorité de ces jugements. Elle a inscrit des milliers de noms au calalogue des saints ; elle n’a jamais prononcé la damnation de personne[1]. Il y avait ensuite la légende édifiante, qui reproduisait des souvenirs respectables, sans dessein de feindre ni de plaire, et qui ne songeait qu’a dire le vrai pour faire pratiquer le bien. Puis venaient les actes authentiques des saints et des martyrs, les récits recueillis de leur plume ou de leur bouche, sur lesquels les sévérités de la critique n’ont pas de prise. Enfin, on arrivait aux mystères, où toute vérité réside, où se trouve le point solide par lequel la raison de l’homme touche à l’infini, éternellement confondue de ses profondeurs, mais éternellement satisfaite de ses clartés. SI donc nous avons parlé d’art chrétien, de poésie chrétienne, c’est que nous ne mettons pas le fond de l’art dans la fiction, mais dans la réalité. À quelque moment que nous prenions la Légende,

  1. Hormis Judas l’Iscariote, dont l’Évangile dit : «  Il vaudrait mieux pour cet homme qu’il ne fût jamais né. » Du reste, ces principes sur la critique de la Vie des Saints sont exposés dans la belle préface des Bollandistes, au tome 1 des Acta Sanctorum.