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les premières paroles de l’auteur, il vous fera croire que Pise allait ranimer la vieille querelle de Rome et de Carthage :

Nam extendit modo Pisa laudem admirabilem,
Quam olim recepit Roma vincendo Carthaginem.

Il s’agit pourtant d’une guerre sainte. Le Christ lui-même pousse les galères et quand les chrétiens descendent sur la plage d’Afrique, l’apôtre saint Pierre les conduit, et saint Michel sonne la trompette devant eux. Le poète décrit les vicissitudes du combat : il compte les morts, il pleure le jeune Hugues Visconti, dont le sang a payé la victoire des Pisans, le plus vaillant de leurs chefs et le plus beau. Et, pour honorer ce héros, il le compare à Codrus, « à ce roi fameux qui chercha la mort pour assurer la victoire des siens. ». Il est vrai qu’il ajoute aussitôt d’autres paroles où nous retrouvons toute la foi du moyen âge. « Ainsi l’enfer est dépouillé et l’empire de Satan détruit, quand Jésus le rédempteur meurt volontairement. C’est pour son amour, pour son service, que tu meurs, ô bien-aimé ! et qu’au dernier jugement nous te verrons rayonnant comme un beau martyr »

Pro cujus amore, care, et cujus servitio,
Martyr pulcher rutilabis venturo judicio.

On reconnaît ici, avant la fin du onzième siècle, cette confusion du sacré et du profane qu’on a tant