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frère Élie qu’au nom de la sainte obéissance il aille incontinent trouver ce jeune homme. » Frère Élie, ayant reçu l’ordre de saint François, alla à la porte très-irrité, l’ouvrit avec grande violence et grand fracas, et dit au jeune homme « Que veux-tu ? » Le jeune homme répondit : « Garde bien, frère, que tu ne sois en colère, comme tu le parais, parce que la colère gêne l’âme et ne lui laisse pas voir la vérité ». Frère Élie répliqua : « Dis ce que tu veux de moi. » Le jeune homme répondit : « Je te demande s’il est permis aux observateurs du saint Évangile de manger ce qui est servi devant eux, selon les paroles du Christ à ses disciples ? et je te demande encore s’il est permis à aucun homme d’établir rien de contraire à la liberté évangélique ? » Frère Élie répondit orgueilleusement : « Je sais bien ce que tu demandes, mais je ne veux pas te répondre. Va à tes affaires. » Le jeune homme dit : « Je saurais mieux que toi répondre à cette question. » Alors frère Élie, irrité, ferma la porte avec violence et s’en fut ; puis il se prit à considérer la question proposée et à douter en lui-même, et il ne la savait pas résoudre. Car il était vicaire de l’Ordre, et, par une constitution qui allait au delà de l’Évangile et des règles de saint François, il avait prescrit que nul d’entre les frères ne mangeât de la chair ; de sorte que la question était expressément tournée contre lui. Ne sachant donc s’en éclaircir lui-même, et frappé de