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chef de la synagogue. Pire est la condition de mon âme, tant lui pèse le joug de la mort. Je te prie de me tendre la main et de me rendre à saint François, pour qu’il me donne ma place à table, à côté de mes frères.

« Destiné à l’enfer, j’en touche déjà la porte. La Religion, qui fut ma mère, mène un grand deuil avec tout son cortége. Elle voudrait entendre ta voix puissante me dire « Vieil, homme, lève-toi.» Alors se changeront en cantiques de joie les pleurs qu’elle a versés sur ma vieillesse. »

Des supplications si touchantes ne fléchirent pas la sévérité de Boniface VIII. On raconte même qu’un. jour, passant devant le cachot où languissait Jacopone, il se pencha vers les barreaux « Eh bien, « Jacques, lui cria-t-il, quand sortiras-tu de prison ? « –Saint-Père, répondit le religieux, quand vous y « entrerez. » La prédiction ne tarda pas à s’accomplir. Le 7 septembre de l’an 1505, Sciarra Colonna, neveu des cardinaux de cenom.et Guillaume de Nogaret, émissaire de Philippe le Bel, entraient dans Anagni à la tête de trois cents chevaux, forçaient les portes du palais et portaient une main sacrilége sur le Pontife, qui, un mois après, en mourut de douleur. Toute la chrétienté s’émut à ce récit. Plusieurs même parmi les ennemis politiques de Boniface se souvinrent qu’ils étaient chrétiens, et Dante flétrit d’un vers immortel ceux qui avaient