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la pierre du caveau. Quelques heures après, l’autre, tout en colère, vint se plaindre de n’avoir pas trouvé ses bêtes au logis « Ne m’aviez-vous pas prié, répondit Jacopone, de les porter à votre demeure ? Et quelle demeure est la vôtre, sinon « celle que vous habiterez pour toujours ? » C’était la parole de David « Leurs tombeaux deviendront « leurs maisons pour l’éternité[1]. »

Dans les villes italiennes du moyen âge, chez des peuples passionnés, naïfs, dont toute la vie se passait sur la place publique, ces souvenirs bibliques ne semblaient pas déplacés, et la prédication pouvait prendre des libertés qu’autorisait l’exemple des saints. Souvent, quand les folies de Jacopone avaient attroupé la foule, il se retournait pour la prêcher, et, profitant du droit qu’on lui accordait de tout dire, il attaquait sans ménagement les vices de ses concitoyens. Cependant cet orateur populaire n’avait pas encore de mission. Il s’était affilié seulement au tiers ordre de Saint-François, milice laïque établie pour les fidèles qui, sans quitter le siècle, voulaient vivre sous les lois de la pauvreté et de la charité. C’est alors, sans doute, qu’affranchi des assujettissements du monde, et libre encore des observances monastiques, il s’enfonça avec passion dans l’étude de la théologie, dans les obscurités des mystères, dans des questions

  1. Wadding, tom. V. Psalm. 48, verset 12 « Et sepulcra eorum domus illorum in aeternum. »