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CHAPITRE IV


LE BIENHEUREUX JACOPONE DE TODI


Les grands poëtes ne naissent pas d’ordinaire aux temps héroïques. Ils viennent après, lorsque ces temps sont assez loin pour laisser se dissiper les ombres qui s’attachent toute gloire humaine, assez près encore pour que l’intérêt du passé subsiste, et que le regret se mêle au souvenir. L’Iliade paraît au déclin des premières monarchies grecques, et Virgile ne fait qu’ensevelir avec une pompe toute divine la liberté romaine. La Providence met des poëtes dans les sociétés, qui tombent, comme elle met des nids d’oiseaux dans les ruines pour les consoler.

Les dernières années du treizième siècle réunissaient tous les signes d’une décadence. Deux grandes affaires avaient fait le tourment et la gloire du moyen âge : c’étaient les croisades et la querelle du Sacerdoce et de l’Empire. Maintenant, le dernier cri des croisades venait d’expirer avec saint Louis sous les murs de Tunis, et la chrétienté découragée