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Mais les imaginations belliqueuses du moyen âge avaient d’autres besoins que la foi calme et recueillie des premiers chrétiens ; il fallait que les tableaux de l’immortalité s’accordassent avec la nouveauté des inclinations et des mœurs. Le livre de Diaeta salutis, attribué à saint Bonaventure, décrit l’assemblée des saints comme une de ces cours plénières dont le spectacle charmait les peuples de ce temps : « Le Christ y règne en souverain ; la sainte Vierge Marie y paraît en reine avec ses suivantes ; les patriarches et les prophètes sont les conseillers du prince. Les apôtres figurent comme des sénéchaux chargés de ses pleins pouvoirs, et les martyrs comme de preux chevaliers qui ont vaincu les trois royaumes du monde, de la chair et du diable[1]. » Plusieurs critiques ont jugé ces descriptions indignes de la gravité de saint Bonaventure ; cependant, aux souvenirs de chevalerie dont elles sont rehaussées, on reconnaît les habitudes de la poésie franciscaine, et comme une allusion au songe prophétique où saint François vit les murs du palais céleste couverts de trophées et d’ar-

    esse cœlestis, non terrea… et hoc signat sapphirus, qui habet cœlestem colorem, sicut coelum serenum… Spes veniae figuratur per smaragdum, qui colorem habet viridem et gratiosum. »

  1. Diaeta salutis tit. X, cap. VI : « Ibi enim est Christus, tanquam monarcha praecipuus. Ibi enim est Regina cum puellis. Ibi sunt angeli tanquam mobilissimi regis domicelli. Ibi sunt patriarchas et prophètae… quibus, tanquam senioribus expertis, revelat mysterium consistorii sui. Ibi sunt apostoli tanquam régis senescalchi, habentes plenitudinem potestatis… Ibi sunt martyres, sicut strenuissimi regis milites… »