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saint Bonaventure. Rien n’est plus incontesté que le mérite théologique de ce docteur, regarde par Gerson comme le plus excellent maître qui eût paru dans l’Université de Paris. Mais on ne sait pas assez que ce beau génie, qui s’enfonça avec tant de courage dans la poussière des luttes scolastiques, n’y perdit rien de sa grâce et de son éclat. Si la philosophie de saint Thomas d’Aquin, façonnée aux procédés logiques d’Aristote, réduite à un dogmatisme exact, était faite pour l’Ordre de saint Dominique, qui s’adressait particulièrement aux classes lettrées ; de même la philosophie de saint Bonaventure, toute pénétrée des traditions de Platon, toute brûlante de mysticisme, convenait à l’Ordre de saint François, chargé de remuer, non pas le petit nombre des savants, mais la foule, moins par la raison que par la charité. Comme saint Augustin, comme Boëce, comme les docteurs de l’école de Saint-Victor, saint Bonaventure avait reconnu par quelles lumières le dogme chrétien du Verbe corrige et complète la doctrine platonicienne des idées. Appuyé d’une main sur l’Évangile de saint Jean, de l’autre sur le Timée, il en tire une métaphysique admirable, dont il faut donner l’ébauche, puisqu’elle est le principe non-seulement de tout ce qu’il écrivit, mais de tout ce qu’il y eut de plus grand dans le premier siècle de la littérature franciscaine[1].

  1. Saint Bonaventure prend parti pour Platon contre Aristote,