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« les révolutions elles-mêmes, ces scandales du monde social, deviennent entre les mains de l’Ordonnateur suprême des moyens de perfectionner la constitution de la société[1]. » On pourrait, au contraire, nous reprocher de pousser le respect de l’esprit jusqu’à l’oubli de la matière ; car au-dessous de ces trois choses divines : le vrai, le bien et le beau, nous avons oublié une chose humaine, l’utile ; et, après la science, les institutions sociales et les arts, nous avons négligé ce que nos contemporains ne négligent pas, l’industrie. Non qu’il faille mépriser l’industrie quand elle se subordonne à ce qui vaut mieux qu’elle, quand elle s’éclaire de l’étude de la nature, qu’elle s’inspire du bien public, qu’elle s’attache aux règles du goût, qui corrige la grossièreté de la matière par la pureté des formes. Si la science, l’art, le bien public frappent ainsi l’industrie d’un triple rayon, elle s’anime, elle vit d’une vie morale, elle peut servir le progrès des esprits. C’est ce qu’on voit au moyen âge chez ces républiques italiennes, aussi résolues à s’immortaliser qu’à s’enrichir, aussi hardies dans leurs monuments que dans leurs navigations. Mais, si le développement de l’industrie, au lieu de suivre le progrès des esprits, le déborde et l’arrête, les sociétés avilies reprennent pour un temps le chemin de la décadence.

  1. Je dois l’indication de ce passage à une remarquable thèse sur l’Idée du Progrès, présentée à la Faculté des lettres par M. Javary, professeur de philosophie.