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De même l’héroïsme des premiers chrétiens ne fut pas surpassé par les grands missionnaires des temps barbares, et ceux-ci ont trouvé leurs égaux dans ces prêtres intrépides qui vont de nos jours chercher le martyre sur les places publiques du Tonquin et de la Corée. Les belles âmes du moyen âge, saint Louis, saint François, saint Thomas d’Aquin, aimèrent Dieu et les hommes avec autant de passion, servirent la justice et la vérité avec autant de persévérance que les plus nobles caractères du dix-septième siècle. Le temps, en multipliant les lumières, en tempérant la violence des mœurs, ne fait que rendre la science accessible, la vertu plus facile, ajoutant ainsi à la dette de reconnaissance que nous recueillons avec l’héritage de nos pères. Ainsi cette doctrine, qu’on accuse de mépriser le passé, fait au contraire sortir tout l’avenir des flancs du passé, elle ne connaît pas de progrès pour les âges nouveaux sans la tradition qui garde l’ouvrage des siècles précédents. Ainsi cette doctrine d’orgueil et de fatalisme détruit à la fois le fatalisme et l’orgueil ; car pour elle l’histoire du progrès n’est pas l’histoire de l’homme seulement, mais de Dieu, respectant la liberté des hommes, et faisant invinciblement son œuvre par leurs mains libres, presque toujours à leur insu, et souvent malgré eux.

Une telle croyance ne favorise certainement pas le matérialisme, et il ne faut point s’étonner qu’elle ait rallié à elle de grands spiritualistes et de grands chrétiens : Chateaubriand, Ballanche, pour ne parler que des morts, et jusqu’à M. de Bonald, qui finit par reconnaître que