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sans dessein, et ce dessein éternel, soutenu d’une puissance infinie, ne peut pas rester sans effet. La volonté qui meut les astres règle aussi le cours des civilisations. Ainsi l’humanité accomplit une destinée nécessaire, et cependant elle se compose de personnes libres. Il reste donc à faire la part de la liberté dans les destinées humaines, par conséquent la part de l’erreur et du crime. Il y a des jours de maladies, des années d’égarement, des siècles qui n’avancent pas, des siècles qui reculent. Personne ne dira que les détestables sculptures qui déshonorent l’arc de triomphe de Constantin l’emportent sur les métopes du Parthénon, ni que la France de Charles VI fut plus puissante que celle de Philippe Auguste et de saint Louis. Pour moi, j’ose plus, et, à mes yeux, le quatorzième siècle avec la guerre de Cent Ans, le seizième avec l’anarchie dans les consciences et l’absolutisme sur les trônes, le dix-huitième avec le libertinage des esprits et des mœurs, sont autant d’égarements de la société moderne, comme je vois les signes de son retour dans l’admirable élan de 1789, qui fut détourné de sa voie, mais qui ramenait les peuples aux traditions du droit public chrétien. Dans ces périodes de désordre. Dieu laisse les personnes maîtresses de leurs actes, mais il a la main sur les sociétés ; il ne souffre pas qu’elles s’écartent au delà d’un point marqué, et c’est là qu’il les attend pour les reconduire par un détour pénible et ténébreux plus près de cette perfection qu’elles oublièrent un moment. C’est pourquoi il ne permet pas non plus que l’humanité s’égare jamais