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d’origine ; deux récits différents nous sont parvenus sur sa vie et sur les circonstances qui contribuèrent à fonder son système ; mais ces deux traditions peuvent se concilier. D’un côté, on raconte qu’il était né en Perse, qu’il avait ensuite longtemps voyagé dans l’Hindoustan, le Turkestan et la Chine, dans des pays où il rencontrait le bouddhisme à sa naissance, ou du moins dans la nouveauté de sa propagation et l’ardeur du premier prosélytisme. D’un autre côté, on a dit que le véritable auteur n’était pas Manès, mais un nommé Scythianus, qui avait pour disciple Terebinthus ou Bouddha ; Bouddha avait un esclave nommé Manès, qui reçut de sa veuve, avec la liberté, son héritage et sans doute aussi sa doctrine. Ces deux récits s’accordent en ce point, qu’ils font naître Manès en Perse, lui font accomplir de longs voyages, et unir aux croyances de son pays le dualisme des Persans et quelques-uns des dogmes qui circulaient dans l’Orient avec les disciples et les apôtres de Bouddha.

Il ne faut pas nous étonner si l’hérésie de Manès se présente avec tous les caractères d’une mythologie orientale, qui n’est pas dénuée d’une certaine grandeur. En effet, elle admet deux principes : l’un, Dieu, tout esprit ; l’autre Satan, ou la matière. Dieu, avec ses éons ou émanations primitives, réside dans le monde de la lumière, qui est immense ; Satan réside dans les ténèbres, monde également éternel, mais limité par celui de la lumière, sur lequel il projette son ombre, comme un cône d’obscurité vient voiler en partie la face