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moins de ses défauts que de ses mérites ; ils ne se feront pas faute de se considérer comme héritiers des princes romains à l’égard des biens de leurs sujets. C’est ainsi que Frédéric Barberousse fera décider à Roncaglia par ses jurisconsultes que, comme héritier de Trajan, il est maître absolu des propriétés de ses sujets. Cette doctrine de Frédéric se trouvera celle de Louis XIV lorsqu’il parle « de ses biens royaux, dont les uns sont dans notre domaine, et dont nous voulons bien laisser les autres dans les mains de nos sujets. » Ces traditions païennes arriveront jusqu’à nos jours pour être, sous d’autres formes, le plus formidable danger des temps présents.

Ce qui reste des traditions du divorce dans la famille disparaîtra dans ce grand combat de la papauté contre Philippe Auguste et contre Henri VIII. Avec le temps, les esclaves se changeront en serfs, et les serfs en hommes libres. Enfin le grand principe de la séparation du temporel et du spirituel finira aussi par l’emporter, et cela au moment même où Grégoire VII mourant laissait échapper ce cri : « J’ai combattu pour la justice, c’est pourquoi je meurs en exil. » Il mourait, mais le principe pour lequel il avait si vigoureusement combattu était moins mort que jamais : car les principes qui sauvent le genre humain sont ceux qui savent laisser mourir en eux ce qu’ils ont de mortel.

Le droit romain devait devenir maître du monde, mais à la condition que l’empire romain périrait ; il ne fallait rien moins que la chute de l’Empire pour dé-