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milieu, vengeresse de l’humanité outragée et rédemptrice de l’humanité coupable[1].

Le prodige, c’est que, devant tant d’amour et de lumières, le monde ne se rendît pas tout d’un coup, et que le paganisme ne pérît pas tout entier. Une partie se conserva malgré le christianisme, comme pour le tenir en haleine par une résistance éternelle. Une autre partie se conserva au sein du christianisme, qui fit voir sa sagesse en respectant les besoins légitimes de l’homme et les joies innocentes des peuples.

Il y a dans le paganisme deux choses : il y a la fausse religion, mais il y a aussi la religion même, c’est-à-dire le commerce de l’homme avec le monde invisible, par conséquent tous les moyens de fixer ce commerce sous des formes sensibles, les temples, les fêtes, les symboles. La pensée religieuse ne se laisse pas confiner dans le domaine solitaire de la contemplation : il faut qu’elle en sorte, qu’elle s’empare de l’espace par les monuments qu’elle se fait bâtir, du temps par les jours sacrés qu’elle se réserve, de toute la nature en y choisissant pour ses emblèmes ce qu’elle y trouve de plus lumineux et de plus pur : le feu, les parfums, les fleurs. Voilà ce qui ne devait pas périr, et la politique de l’Église eut à résoudre cette difficulté, d’écraser l’idolâtrie sans étouffer le culte.

  1. Lex unica Cod. de Gladiatoribus, Symmaque, lib. X., epist. 68. Prudence, Contra Symmachum, II. Sur le martyre de saint Télémaque, Théodoret, Hist. ecclés., V, 26 ; Martyrologium romanum, ad diem 1 januarii.