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Les pierres ne nous manquent pas, nous avons des métaux, plusieurs sortes de marbre et des ouvriers en grand nombre. On ne perd pas un moment pour sculpter votre dieu, pour le tourner et le dorer. Nous aurons encore soin de le peindre en rouge, afin qu’il puisse entendre vos prières… Mais si nous vous restituons votre Hercule, rendez-nous tant d’âmes que vos mains nous ont arrachées. » Un langage si sensé, si fort, et toutefois si clément, devait toucher les cœurs. La nature humaine aime ce qui la dépasse, et la doctrine du pardon des ennemis, qui étonna d’abord le monde, finit par le gagner[1].

Quand les édits des empereurs n’avaient pas le pouvoir de faire tomber les idoles, comment auraient-ils fermé les arènes ? Constantin, dans le premier élan de sa conversion et par une constitution de l’an 325, avait interdit les jeux sanglants. Mais la passion du peuple, plus forte que la loi, ne protégeait pas seulement ces plaisirs, elle voulait que les princes en fussent complices, et les victoires de Théodose approvisionnèrent encore de gladiateurs l’amphithéâtre de Rome. Vainement l’éloquence des Pères s’était soulevée contre ces barbaries ; vainement le poëte Prudence, dans des vers pathétiques, pressait Honorius de faire que la mort cessât d’être un jeu et l’homicide une volupté publique. Ce que nulle puissance terrestre n’avait osé, la charité l’accomplit. Un moine d’Orient appelé Télémaque, un

  1. S. Augustin, Serm. epist. 50, « Senioribus coloniae Suffectanæ. »