Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute l’histoire, à toutes les institutions, comme à toutes les pierres de la cité. Elle avait encore des attaches plus fortes dans les âmes. Il faut être juste, même envers le paganisme. Il ne faut pas croire que la société païenne eût duré tant de siècles, si elle n’avait contenu quelques-unes de ces vérités dont la conscience humaine ne se passe jamais. La religion des Romains mettait un Dieu suprême au-dessus des causes secondes. Les inscriptions des temples le proclamaient très-bon et très-grand. Les féciaux le prenaient à témoin avant de lancer le javelot qui portait la guerre. Le poëte Plaute montrait les messagers de ce dieu visitant les villes et les peuples, « pour lui rapporter, inscrits sur un livre, les noms de ceux qui soutiennent de méchants procès par de faux témoignages, de ceux qui se parjurent à prix d’argent. Il se charge de juger en appel les causes mal jugées ; et si les coupables pensent le gagner par des présents et des victimes, ils perdent leur dépensé et leur peine[1]. » Ce langage était celui, non d’un philosophe, mais d’un poëte ; il s’adressait à la foule et il en tirait des applaudissements, parce qu’il touchait, comme autant de cordes vives, les croyances qui faisaient le fond de la conscience publique. La religion des Romains se souvenait aussi des morts. Elle avait pour eux des supplications touchantes : « Honorez les tombeaux, apaisez les âmes de vos pères. Les mânes demandent peu, la piété leur tient lieu d’une riche offrande[2]. »

  1. Plaute, Rudens, prolog., vers 1 et sqq.
  2. Ovid., Fast., lib. II.