Page:Ovide - Les Amours, traduction Séguier, 1879.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
LES AMOURS

Pourquoi les regretter enfin, s’ils t’accablaient,
Et fuir ton miroir, consternée ?
Ce fidèle miroir te désole en ce jour…
Pour plaire encore, allons, oublie.
Tu ne peux de leur chute accuser tour à tour
Herbe enchantée, eau d’Hémonie.
Ni santé maladive (arrière un tel destin !),
Ni rivale prompte à te nuire :
Toi seule as préparé, de ta coupable main,
Le poison qui vient les détruire.
Maintenant des Germains les femmes t’enverront
Une chevelure complète.
Quand on l’admirera, souvent, le rouge au front,
Tu te diras : « Cruelle emplette !
Je ne sais quelle esclave on applaudit en moi ;
Hier je me passais de ses charmes… »

Ô misère ! elle pleure et veut, dans son émoi,
Me cacher sa honte et ses larmes.
À ses pieds, triste place, elle voit les débris
De son ancienne chevelure :
Ah ! calme-toi. Demain, ces beaux cheveux flétris
Repousseront, je te le jure.