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LES AMOURS

Maintenant je suis calme, étant désabusé ;
Ta beauté n’émeut plus mon âme.
Quel motif m’a changé ? L’or que ta main réclame.
À jamais le charme est brisé
Hier je t’adorais délicate et modeste ;
Le vice à présent t’enlaidit.
L’Amour est un enfant, l’Amour est sans habit,
Et sa candeur ainsi s’atteste.
Comment oserait-il tarifer ses appas ?
Il n’a ni bourse ni cassette.
Sa mère pour les camps pas plus que lui n’est faite ;
De tels dieux ne se soldent pas.

Une prostituée est fondée à tout prendre ;
Son métier accroît ses trésors.
Mais quand elle maudit les tyrans de son corps,
Libre, le tien songe à se vendre !
Vois donc ces animaux dépourvus de raison
T’apprendre, ô honte ! la morale.
De leurs bouillants époux génisse ni cavale
Jamais n’exigent de rançon.
La femme se plaît seule aux dépouilles de l’homme,
De ses nuits seule tient marché.
Elle vend un plaisir par tous deux recherché,
D’après le sien fixant la somme.
Si le plaisir d’amour n’est possible qu’à deux,
Sied-il qu’à l’un l’autre l’achète ?
Au même jeu pourquoi serais-tu satisfaite,