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LES AMOURS

Jadis l’obscurité provoquait mon effroi ;
Sortir, la nuit, me semblait grave.
Cupidon et Vénus tout haut rirent de moi :
« Aime, ont-ils dit, tu seras brave. »
Marchons, l’heure est venue. Ombres qu’on voit voler,
Poignards cachés, rien ne m’arrête.
Je ne flatte que toi ; toi seul me fais trembler :
Tu tiens la foudre sur ma tête.
Regarde, et, pour mieux voir, enlève ces verrous !
Mes pleurs du seuil mouillent la pierre.
Sur ton dos, certain jour, allaient pleuvoir les coups ;
Le fouet s’abstint à ma prière.
Quoi ! ma voix, qui jadis te sauva d’un tourment,
Pour moi serait moins efficace !
Rends le bien pour le bien. Tu cherchais ce moment ?
La nuit s’avance ; ouvre de grâce.

Ouvre, et qu’on te libère, en échange, demain,
De ton eau vile et de ta chaîne.
Mais tu ne réponds pas, portier, j’appelle en vain ;
Ton cœur est dur comme ce chêne.
Qu’il faille, en temps de guerre, un gond bien affermi,
Soit ; mais, en paix, qui te menace ?
Tu me crains comme amant, que serait-ce ennemi ?
La nuit s’avance ; ouvre, de grâce.

Je ne viens point suivi de farouches soldats ;
L’Amour est seul de la partie.