Page:Ovide - Les Amours, traduction Séguier, 1879.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
OVIDE

Flèche rompue et torche éteinte.
Vois comme, l’aile basse, il marche au triste enclos ;
Vois sur son cœur ses bras se tordre.
Des larmes vont mouillant ses cheveux en désordre,
Sa bouche éclate en longs sanglots.
Tel il sortit, dit-on, de ton toit, bel Iule,
Au deuil de son frère Énéas.
Vénus, qui d’Adonis pleura tant le trépas,
Ne regrette pas moins Tibulle.

Nous poètes, pourtant, nous sommes dits sacrés,
Amis des dieux, dieux parfois même.
Donc, sur les fronts divins plane aussi la Mort blême ;
Tous par elle sont massacrés.
Qu’ont servi pour Orphée et son père et sa mère,
Et ses chants des tigres vainqueurs ?
Linus, au fond des bois, Linus causa les pleurs,
Les noirs refrains du même père.
Ajoutez Méonide, antique et pur flambeau
Qui sert de guide à l’art moderne :
Il eut son dernier jour, fut plongé dans l’Averne.
Les vers seuls bravent le tombeau.
Leur pouvoir dure : on sait d’Ilion la querelle,
Le voile aux clandestins sursis.
Toujours ainsi vivront Délia, Némésis,
L’amante ancienne et la nouvelle.

À quoi bon les autels, le sistre égyptien,