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OVIDE

Voici que m’apparut, broutant, l’herbe fleurie,
Une génisse à blanche peau :
La neige a moins d’éclat, quand, fraîchement durcie,
Elle étale un vierge manteau :
Et moins pure est du lait l’écume frémissante
Sous la main qui trait la brebis.
Un taureau, calme époux, près la bête paissante
Se coucha sur le vert tapis.
Or, tandis qu’il rumine et des premières herbes
De nouveau s’enfle, ainsi trônant,
Le sommeil le saisit, et ses cornes superbes
Vers la terre vont s’inclinant.
Soudain, en croassant, une corneille glisse
Des cieux, s’abat sur le gazon,
Mord trois fois au poitrail l’éclatante génisse,
En fait voler maint blanc flocon,
Celle-ci, vacillant, quitte enfin place et maître ;
Mais noir demeure son poitrail.
À peine a-t-elle au loin vu d’autres taureaux paître
(Au loin paissait du gros bétail),
Qu’elle bondit vers eux, à leur troupe se mêle
Et prend sa part d’un sol choisi.

« De nos songes, ô toi, l’interprète fidèle,
S’ils sont vrais, que veut celui-ci ? »
Dis-je, le jour venu. Le fidèle interprète
Me répondit, pesant bien tout :
« Ces feux, devant lesquels tu battais en retraite,