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LES AMOURS

L’autre, en clignant de l’œil, sourit malicieuse,
Un myrte, je crois, dans la main :
« Pourquoi si peu d’égards, Tragédie orgueilleuse ?
Dit-elle ; es-tu toujours d’airain ?
En nombre impair pourtant tu daignes me combattre,
Mon rythme est ton arme aujourd’hui :
Non que j’ose égaler mes chants à ton théâtre ;
Tes tours écrasent mon réduit.
Au léger Cupido, légère, je me livre ;
Simple, plus haut je ne vais pas.
Poétique par moi, Vénus bien mieux enivre :
J’ai son oreille, elle a mon bras.
Les gonds que ne saurait forcer ton fier cothurne
Tournent devant mon doux maintien.
Où tu t’emporterais, des maux j’épuise l’urne :
Là mon pouvoir primant le tien.
Moi, j’instruisis Corinne à tromper son cerbère,
À manœuvrer un pêne lourd,
À déserter son lit, drapée avec mystère,
À marcher, la nuit, d’un pas sourd.
Que de fois l’on m’a vue, à sa porte clouée,
Affronter les yeux du passant !
Dans son sein me cachait servante dévouée,
Jusqu’à ce qu’Argus fût absent.
Un jour, ne fus-je pas, humble cadeau de fête,
Mise en morceaux, noyée aussi ?
La première, en ton cœur j’éveillai le poète :
Mien est ce luth qu’on brigue ici ! »