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les métamorphoses

race : moi-même, je les ai lues et gravées dans ma mémoire ; je veux te dévoiler les mystères de l’avenir. Celui dont tu pleures le sort, ô Vénus, a rempli toutes les années qu’il devait à la terre : grâce à toi et à son fils, il prendra place dans le ciel, et des autels lui seront dressés parmi les hommes : ce fils, héritier du nom de César, soutiendra le fardeau de l’empire, et, vengeur de son père assassiné, il aura pour lui les dieux dans les combats. Il forcera Mutine assiégée à se soumettre et à demander la paix : Pharsale sentira sa présence, et les champs de Philippes boiront encore une fois le sang romain. Un grand nom sera vaincu dans les mers de Sicile(25) ; une reine d’Égypte, épouse d’un général romain, tombera du trône, après avoir, dans le fol orgueil de son hymen, menacé d’asservir le Capitole au Nil. Sans énumérer les nations barbares répandues sur les bords des deux Océans, sache que son empire embrassera toute la terre habitable : la mer elle-même sera son esclave. Après avoir donné la paix au monde, il tournera sa pensée vers les institutions publiques : ses lois grandes et sages seront la règle de l’état, et ses exemples, celle des mœurs. Dans sa prévoyance de l’avenir, et du bonheur futur des nations, il fera porter au fils de sa chaste épouse(26) et son nom et une partie du fardeau de l’empire. Enfin, après avoir compté sur la terre autant d’années que le vieux Nestor, il ira rejoindre ses aïeux dans le céleste séjour. Mais toi, ô ma fille, reçois l’âme de César arrachée par le fer à sa mortelle demeure ; et, sous la forme d’un astre, que le dieu Julius veille, du haut des cieux, sur le forum et sur le Capitole. »

Il dit, et Vénus s’empresse de descendre au milieu du sénat : invisible à tous, elle recueille l’âme du héros expirant, et sans lui laisser le temps de s’évanouir dans les airs, elle l’emporte au milieu des astres. Mais, dans son vol, Vénus la sent qui se fait dieu et s’embrase : elle la laisse échapper de son sein : l’âme s’envole au-dessus de la lune, et traînant après elle une longue chevelure enflammée, elle brille comme une étoile. C’est de là que César, témoin de la gloire de son fils, plus belle encore que la sienne, s’applaudit d’être vaincu par lui. Auguste ne veut pas que ses actions soient mises avant les actions de son père ; mais la renommée, libre, et au-dessus de toutes lois, s’obstine à le placer avant César, et lui résiste en ce seul point. Ainsi le nom d’Atrée est moins brillant que celui d’Agamemnon ; Égée est au-dessous de Thésée ; Pélée, au-dessous d’Achille ; et pour prendre un exemple plus digne de mon sujet, Saturne le cède à Jupiter. Jupiter règne dans le ciel ; la terre obéit à Auguste : tous deux sont les pères et les souverains de leur empire.