Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/531

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
503
les métamorphoses

souvent ornée par lui de guirlandes, il y attache un fatal cordon : « Voilà donc, s’écrie-t-il, voilà les liens qui te plaisent, cruelle, impie ! » Et la tête passée dans le nœud, le visage encore tourné vers elle, il s’élance ; le lien l’étrangle, et le corps de l’infortuné reste suspendu. Heurtée par le mouvement convulsif de ses pieds, la porte semble gémir et rend des sons plaintifs ; elle s’ouvre et laisse voir le cadavre. Les esclaves poussent un cri d’horreur, et le détachent ; mais il était trop tard. On le rapporte à la maison de sa mère, car son père était mort. Elle le reçoit dans son sein, elle entoure de ses bras ses membres glacés ; et après avoir fait, après avoir dit tout ce que la douleur inspire à une mère désolée, elle conduit par la ville, en pleurant, les funérailles de son fils ; elle porte son corps livide au bûcher. La fatale maison se trouvait par hasard sur la route du convoi ; le bruit des gémissements et des sanglots parvint aux oreilles d’Anaxarète. Déjà un dieu vengeur l’agite : « Voyons, dit-elle, malgré son trouble, voyons cette triste pompe ! » Elle monte au lieu le plus élevé de son palais, et s’approche d’une fenêtre ouverte. Mais à peine a-t-elle aperçu le corps d’Iphis étendu sur le lit funèbre, ses yeux se fixent, le sang abandonne ses veines, sa peau blanchit ; elle veut fuir, et ses pieds s’attachent au sol ; elle veut détourner la tête, et son cou s’y refuse ; la dureté de son cœur envahit peu à peu tous ses membres ; elle n’est plus qu’une statue de marbre. Ce n’est pas une fable que ce récit, ô Pomone ! Salamine conserve encore cette statue, qui cache Anaxarète ; et l’on voit, dans cette ville, un temple consacré à Vénus qui regarde au loin.

« N’oublie pas cette histoire, ô ma fille ; dépose ta fierté, je t’en prie, et comble les vœux de ton amant. Alors, puissent les gelées du printemps ne pas brûler les fleurs de tes arbres, ni les vents rapides secouer leurs fruits mûrs ! » Il dit ; et las de tous ces déguisements inutiles, il dépouille son attirail de vieille femme, et redevient lui-même jeune et beau ; il apparaît à Pomone comme l’image étincelante du soleil, quand il déchire de ses rayons victorieux un voile de sombres nuages qui le couvraient. Il veut lui faire violence ; mais la violence est inutile : la nymphe s’est éprise de la beauté du dieu, et son cœur est blessé du même amour.

X. À Procas succède Amulius, roi de l’Ausonie, par l’injustice et par la force ; mais le vieux Numitor, vengé par ses petits-fils, recouvre enfin son royaume. Le jour des fêtes de Palès, Rome est fondée. Tatius et le sénat sabin portent la guerre sous les murs de la ville naissante ; Tarpéia ouvre aux ennemis le chemin du Capitole, et meurt écrasée sous le poids de leurs boucliers ; digne prix de sa trahison ! Les Sabins, comme des loups dévorants, s’approchent en silence pour égorger les Romains,