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les métamorphoses

cette autre partie de son être aura quitté la terre, je le recevrai dans le céleste séjour, et je me flatte que tous les dieux en seront satisfaits. Si cependant quelqu’un ici voyait d’un œil jaloux Hercule admis au rang des immortels, il s’indignera peut-être de la récompense que je lui réserve ; mais il reconnaîtra du moins qu’il en est digne et m’approuvera malgré lui. » Les dieux applaudissent à ce discours ; la royale épouse de Jupiter a paru elle-même l’entendre sans déplaisir ; mais le dépit éclate sur son front au moment où elle se voit désignée par ces dernières paroles. Cependant la flamme a consumé tout ce qu’elle pouvait détruire ; il ne reste d’Hercule rien qu’on puisse reconnaître, rien de ce qu’il avait reçu de sa mère : il ne conserve que les traits où Jupiter a gravé son image. Comme on voit un serpent rajeuni, lorsqu’avec sa peau il a dépouillé la vieillesse, étaler les vives couleurs dont brille sa nouvelle écaille ; ainsi le héros de Tirynthe, dégagé de son enveloppe mortelle, vit dans la meilleure partie de lui-même ; on dirait qu’il grandit et qu’il revêt une majesté divine. Le souverain maître des dieux l’enlève dans les flancs d’un nuage, sur un char attelé de quatre coursiers, et le place parmi les astres éclatants de lumière(18).

V. Atlas a senti un nouveau poids ; cependant la colère du fils de Sténélée n’était point encore désarmée, et sa haine impitoyable poursuivait le père sur le fils du héros ; en proie à d’éternels ennuis, Alcmène, que vit naître l’Argolide, n’a plus que sa seule Iole à qui elle puisse confier les chagrins de sa vieillesse, et rappeler ses malheurs et les exploits de son fils qui ont eu le monde pour témoins. Par les ordres d’Hercule, Hyllus lui avait donné son cœur et la moitié de sa couche. Elle portait dans son sein le gage de sa tendresse, lorsque Alcmène lui tint ce discours : « Puissent les dieux t’être favorables, abréger tes douleurs, au moment où, parvenue au terme de ta délivrance, tu invoqueras Ilithye(19), protectrice des femmes craintives qui vont devenir mères, Ilithye, que la haine de Junon rendit sourde à ma voix. Déjà s’approchait l’instant de la naissance du laborieux Hercule ; déjà le soleil s’avançait vers le dixième signe ; je sentais mes flancs s’affaisser sous le fardeau qu’ils recélaient : à sa pesanteur on pouvait aisément reconnaître l’œuvre de Jupiter. Je ne pouvais supporter plus longtemps mes douleurs ; aujourd’hui même, à ce simple récit, l’effroi glace mes sens et le souvenir est à lui seul une souffrance : livrée à la douleur pendant sept nuits et pendant sept jours, dans l’excès de mes maux, je tendais les bras au ciel, invoquant à grands cris Lucine et les dieux qui président à la naissance des mortels(20). Elle vint enfin, mais gagnée d’avance par la barbare Junon, et résolue à lui sacrifier ma vie. Dès qu’elle entend mes gémissements, elle s’assied sur l’autel que tu vois aux portes du palais ; croisant sa jambe droite sur son genou gauche, et les doigts