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démique, Mais avant de chercher à y répondre il faut les classer, les sérier. Notre société vit selon un système ; tous ses éléments sont solidaires et se déterminent les uns les autres. D’autres systèmes de société sont possibles, ont existé dans le passé ou sont concevables pour L’avenir. Les réponses aux questions posées ont leur fondement dans le système en vigueur ou dans celui qui doit le remplacer en tenant compte du stade d’évolution auquel nous étions arrivés.

3. Ce qui caractérisait essentiellement le système social d’avant la guerre, c’est que la vie était devenue de plus en plus internationale. Un commerce mondial passé de 4 milliards, il y a un siècle, à près de 180 milliards actuellement ; 200 milliards de titres au porteur, sur 850 milliards, possédés par des étrangers ; 22 millions de travailleurs franchissant l’Atlantique en moins de trente ans ; 30,000 navires de toutes nationalités sillonnant les mers en tous sens ; un réseau mondial de chemins de fer de plus de un million de kilomètres ; la poste universelle ayant délivré 45 milliards d’envois l’année qui précéda la guerre ; les livres publiés à raison de 150,000 par an et les journaux et périodiques à raison de 72,000. Idées, hommes, produits naturels ou manufacturés, tout est entraîné dans la circulation générale, destiné à une Pensée universelle, à un Marché mondial, à une Terre accessible dans toutes ses parties, à une Humanité amenée a l’unité de fins, sinon d’origine.

Or, en regard de ces faits, trois constatations s’imposent :

a) Toute cette vie, toute cette civilisation étant laissées sans aucune protection réelle, si bien que le jour de la guerre a été pour elle celui de l’arrêt et de la paralysie.

b) Ces faits du temps de paix sont dus aux mêmes causes générales que celles qui ont donné à la guerre actuelle son extension, son intensité, sa durée : à savoir la solidarité et l’interdépendance croissante entre les grandes affaires, les grandes questions du monde.

c) Il y a aujourd’hui désaccord profond entre la vie devenue aussi mondiale et les institutions demeurées presque toutes nationales, La crise actuelle est une crise de croissance. Les États, organisations anciennes bien appropriées aux nécessités de la vie intérieure n’ont pas évolué comme il le fallait pour assurer la sécurité extérieure. Les relations entre eux sont restées celles que le hasard a formées ; nul plan, nul système, nul ordre : partout chaos, anarchie, appétits, haines, ambitions sans entrave, absence d’un Droit organisé qui soit effectivement opposable à la Force.

4. La paix à venir a donc un vaste problème à résoudre. Rechercher les causes profondes du conflit et à chacune d’elles opposer des moyens susceptibles de les supprimer à l’avenir. La lutte sur le champ de bataille en effet ne peut rien par elle-même pour faire disparaître les conflits ; elle donne seulement à l’un des belligérants la possibilité