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tamment contre toute attaque motivée par l’ambition personnelle d’un homme ou d’un peuple qui n’a d’autre but que d’établir son hégémonie sur d’autres nations de civilisation et de cultures égales ou supérieures. De ce principe découle la distinction entre les guerres bonnes ou justes (pour la défense ou la diffusion d’idées civilisatrices générales) et les guerres mauvaises et injustes (pour l’affirmation et la propagation d’idées de barbarie et de tyrannie). Le plus souvent l’un des belligérants représente la justice, le droit et le progrès, tandis que l’autre représente l’injustice, la tyrannie et le recul.

153. Valeur de la guerre.


La guerre a ses apologistes ; elle a aussi ses ennemis, groupés au cri de « guerre à la guerre ! »

On peut certainement former l’hypothèse pessimiste d’une volonté qui préférerait, à la sécurité du droit universel, l’insécurité persistante des rapports internationaux avec tous ses risques, avec toutes les souffrances qui en résultent pour la majorité des hommes, mais avec la satisfaction qu’elle apporte aux haines, aux antipathies, aux passions malveillantes, persécutives, que comprime en temps ordinaire l’ordre juridique, avec la carrière qu’elle ouvre aux jeux de l’imagination engourdie par la paix et la sécurité, sans parler des avantages matériels que retire une partie de la population. Mais il faut se demander si une telle volonté de guerre est normale, si naturellement die peut exister dans de grandes masses d’hommes.

« La guerre, disent les « bellicistes », est un phénomène naturel, elle a toujours existé. Voyez l’histoire sainte ; voyez l’histoire de l’antiquité[1]. » On peut répondre : Bien des fléaux avaient toujours existé jusqu’à ce que l’homme se soit refusé à assister à leurs ravages en spectateur résigné. À la vérité il n’est pas de phénomène social nuisible dont l’homme ne se soit efforcé de neutraliser les effets : l’esclavage, torture, la soumission de la femme, l’absolutisme. Pourquoi l’homme devrait-il se déclarer impuissant à l’égard de la guerre ?

« Après une guerre, dit-on encore, le corps social se sent en meilleure santé. » Cela est vrai, comme après la maladie, l’homme souvent a une santé meilleure. En conclut-on qu’il faut rechercher la maladie, ses souffrances et ses risques ?

« La guerre, forme de la lutte pour la vie, fait triompher le mieux adapté. » Réponse : Il n’y a pas de sélection dans la guerre : car aujourd’hui il n’y a plus de contact homme à homme, Les bombes et

  1. Tous les Grecs, a-t-il été écrit, font et feront une guerre éternelle aux peuples étrangers, aux barbares. Tite Live XXXI 29. « Cum alienigenis, cum barbaris aeternum omnibus Graecis bellum est eritque. » — Un passage de l’Évangile dit bien qu’ « il y aura des guerres jusqu’à la consommation des siècles », mais on peut l’interpréter très largement en définissant le mot « guerres ».