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occidental, 33 millions de livres par 1000 milles carrés à L’est et 100 millions de livres par 1000 milles carrés à l’ouest.

143. Le dommage moral.


Souffrances accumulées par la terreur des maux à venir, la réalité des peines présentes, l’absence de nouvelles des êtres chers ; suspension de toutes les libertés et de toutes les garanties, chacun étant livré à l’arbitraire incontrôlé ; démoralisation profonde et désespoir par suite de l’impossibilité d’obtenir justice, de l’impuissance à lutter contre la ruse, la tromperie, le mensonge élevés au rang d’institutions de guerre ; endurcissement de la sensibilité humaine et étalage de tous les raffinements dans la cruauté ; valeur de la vie humaine rabaissée aux yeux de beaucoup ; haine implacable semée au cœur des vaincus ; arrêt de toutes les œuvres intellectuelles, éducatives, moralisatrices ; impossibilité pour de longues années de tout travail en commun entre hommes qui ayant mis leur cœur à nu, ont démontré que toute considération humaine devait s’incliner devant leur égoïsme collectif[1].

144. Le dommage étendu aux civils et aux neutres.


Tout le progrès réalisé jusqu’ici dans le droit des gens qui régit la guerre a porté sur la distinction entre belligérants et neutres d’une part, entre combattants et non-combattants, d’autre part. Ces deux distinctions ont permis une certaine localisation des hostilités et par là la limitation de leurs effets. Or la guerre de 1914 les a précisément rendues vaines. Quant aux non-combattants, leur nombre a été réduit par le fait de la quasi-universalité du service militaire ; leur activité économique a été paralysée par la charge des réquisitions militaires ou des contributions de guerre, par l’interruption des moyens de communication, par les embarras financiers et monétaires qui ont éclaté dès le début des hostilités, par l’interdiction du commerce avec l’ennemi ; enfin par le fait que la guerre moderne met en œuvre des moyens si puissants qu’elle exige le concours indirect des populations civiles, non seulement pour se soutenir, mais pour la conduite des opérations. (Il y a eu 65,000 rapatriements de civils venant d’Allemagne opérés par la Suisse[2].) Dès lors, le nombre des civils dont la collaboration ou l’attitude tout au moins est étroitement associée a l’armée est en sin-

  1. En attendant la publication d’une relation complète et impartiale des faits, on pourra se faire une idée de L’horreur et de la barbarie de la guerre moderne en parcourant l’enquête dans les Balkans, entreprise par la dotation Carnegie pour la Paix internationale. Ce rapport, qui n’envisage que les atteintes à la personne humaine, pour employer le langage même de ses rédacteurs, n’est « qu’une longue suite d’exécutions, d’assassinats, de noyades, d’incendies, de massacres et d’atrocités ».
  2. « Bulletin international de la Croix Rouge », juillet 1915.