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a deux faces, et ce serait s’illusionner que de ne pas les reconnaître toutes deux. En face du militarisme s’est dressé le marinisme. Les Allemands disent : « Il faut empêcher l’Angleterre, le plus grand ennemi de la paix en Europe, de nuire, et cela de façon durable en mettant fin une bonne fois à sa suprématie sur les mers, jusqu’ici incontestée ». Le fondement de sa puissance, savoir sa flotte militaire, devra être supprimé ou réduit à un minimum futur[1].

b) Une réduction imposée et unilatérale des armements créerait la rancune et la haine, préparerait de nouvelles guerres ; elle ne serait pas observée ; elle déplacerait le militarisme, le transférant du vaincu au vainqueur avec tous les dangers de n’avoir même plus alors de contrepoids. Le désarmement partiel toujours difficile à apprécier ou à préciser serait par nature une source de récriminations, et de conflits. On doit lui préférer des remèdes allant au cœur des maux qui entraînent les guerres et désarmer totalement. Les limitations unilatérales impliquent de la part des États étrangers qui les imposent un droit de contrôle et de police sur les États qui y sont soumis, incompatible avec leur indépendance, et de ces États vassaux elles font des révoltés.

c) Les remèdes sont tous sujets à objection. — La nation armée est en conflit avec les nécessités dictées par la science des armes, et auxquelles il peut être satisfait que par l’exercice continuel, qu’une armée permanente seule peut assurer. — Les armements limités à la défense : ils ne peuvent satisfaire attendu que seuls peuvent prévaloir dans les conflits ceux qui sont les plus forts et que la défensive, « pour ne pas être réduite à un intrépide accueil aux coups de bâton », doit se transformer de suite en offensive. — La trêve d’armements : c’est le pieux désir de ceux qui sont aujourd’hui les mieux armés et les plus forts et désirent rester éternellement ce qu’ils sont[2].

d) On doit aussi se demander si la question des armements n’a pas perdu son caractère depuis l’expérience de la présente guerre. « Quelle importance a la limitation des armements quand l’invention d’un nouvel engin, comme le sous-marin, peut compenser la limitation de la construction de gros vaisseaux ? Que signifie la destruction des forteresses quand des ouvrages en terre, mobiles, couverts par des fils barbelés, peuvent présenter une résistance plus efficace que les défenses fixes ? » (Yves Guyot). — Aujourd’hui on fait un bon soldat en un mois, un très bon en trois mois. On fait une tranchée en quelques heures et un sous-marin en quelques mois. C’est devenu une guerre de machines et de munitions.

e) Il faut conclure que la Société internationale doit être organisée avant qu’on puisse procéder à n’importe quelle diminution ou même arrêt des armements. En réalité, une fois réalisée l’Union des États

  1. Ostwald, Monistische Sonntagspredigten.
  2. Umano, Constitution internationale, p. 70.